ÉCONOMIE
L’économie au cœur du débat
Quand on parle de Low Tech et de High Tech, on pense souvent à la technologie elle-même : des objets sophistiqués d’un côté, des solutions plus simples et durables de l’autre. Mais derrière ces choix technologiques, il y a une question essentielle : comment ces modèles s’intègrent-ils dans notre économie ?
L’argent, l’emploi, la production… Tout cela dépend du modèle économique adopté. Le High Tech repose sur l’innovation rapide, la croissance et l’automatisation, avec des entreprises qui investissent massivement pour proposer toujours plus de nouvelles technologies. À l’inverse, le Low Tech privilégie la réparabilité, les circuits courts et la sobriété, misant sur une économie plus locale et durable.
Mais est-ce que le Low Tech peut être aussi rentable que le High Tech ? Peut-il créer autant d’emplois ? Peut-on imaginer un modèle économique où les deux coexistent ? C’est ce que nous allons explorer ici, en mettant en lumière les forces et les limites de chaque approche
Si les termes « low-tech » et « high-tech » vous semblent flous :
Le modèle économique du High Tech vs low tech
L’opposition entre High Tech et Low Tech ne se limite pas aux technologies utilisées, elle repose aussi sur des logiques économiques totalement différentes. D’un côté, une course à l’innovation et à la croissance rapide. De l’autre, une approche plus locale et résiliente, basée sur la durabilité.
High Tech : Une économie de croissance rapide
Le modèle économique du High Tech repose sur l’innovation permanente, l’automatisation et la concentration des capitaux. Les grandes entreprises technologiques, comme les GAFAM (Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft), dominent le marché grâce à des investissements massifs et à une dépendance aux ressources rares, comme les métaux et semi-conducteurs.
Caractéristiques principales
- Innovation et automatisation pour réduire les coûts de production
- Fortes levées de fonds et concentration des richesses
- Dépendance aux matériaux critiques et aux chaînes d’approvisionnement mondiales
Low Tech : Une économie circulaire et locale
À l’inverse, le Low Tech repose sur une économie plus sobre, ancrée dans le local et axée sur la réparabilité. Ce modèle privilégie l’indépendance vis-à-vis des marchés financiers et remet en avant les savoir-faire artisanaux et la production à petite échelle.
Caractéristiques principales
- Priorité à la réparabilité et à la durabilité des objets
- Valorisation des compétences locales et du travail manuel
- Moins de dépendance aux fluctuations des marchés mondiaux
Exemples
En 2022, les GAFAM (Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft) représentaient près de 30 % de la capitalisation boursière mondiale, soit environ 8 800 milliards de dollars. À titre de comparaison, cela équivaut au PIB combiné de l’Allemagne et de la France. Cette concentration extrême des richesses montre à quel point les grandes entreprises High Tech façonnent l’économie mondiale. Leur influence s’étend au-delà des marchés boursiers, dictant des tendances de consommation, des orientations technologiques et des politiques d’innovation.
Autre chiffre révélateur : en 2021, les cinq plus grandes entreprises technologiques américaines ont dépensé plus de 140 milliards de dollars en recherche et développement. Cet investissement massif leur permet de rester à la pointe de l’innovation et d’imposer leur domination sur le marché mondial.
Conséquences économiques :
→ Une concentration de la richesse et du pouvoir économique entre les mains de quelques géants.
→ Une dépendance aux chaînes de production mondialisées, entraînant des crises en cas de rupture d’approvisionnement (ex. : pénurie de semi-conducteurs en 2021).
→ Un marché de l’emploi polarisé, où certains métiers disparaissent tandis que d’autres, très qualifiés, sont survalorisés.
En France, l’association L’ Atelier Paysan a permis à plus de 3000 agriculteurs de concevoir et fabriquer eux-mêmes leur matériel agricole en open-source, réduisant ainsi leur dépendance aux grands groupes agro-industriels. Cette approche permet aux agriculteurs d’économiser jusqu’à 40 % sur leurs coûts d’équipement tout en favorisant une production locale et adaptée à leurs besoins.
Autre exemple, l’entreprise Fairphone propose un smartphone modulaire et réparable, conçu pour durer et éviter l’obsolescence programmée. Un Fairphone a une durée de vie moyenne de 5 à 7 ans, contre 2 à 3 ans pour un smartphone classique. Pourtant, le coût de production d’un Fairphone est 20 à 30 % plus élevé qu’un modèle conventionnel, en raison du choix de matériaux responsables et de conditions de production plus éthiques.
Conséquences économiques :
→ Une réduction des coûts sur le long terme grâce à des objets plus durables et réparables.
→ Une relocalisation de l’emploi, créant davantage d’activités dans les territoires.
→ Une indépendance vis-à-vis des grandes multinationales et des spéculations financières.
Ces deux modèles économiques sont en opposition, mais doivent-ils forcément être incompatibles ? Si le High Tech domine aujourd’hui l’économie mondiale, le Low Tech propose des alternatives viables qui répondent aux enjeux environnementaux et sociaux actuels.
Trois scénarios possibles pour l’avenir :
1️. La domination du High Tech : le modèle actuel continue, avec une automatisation croissante et une concentration accrue des richesses.
2️. Le développement du Low Tech : une transition progressive vers des modes de production plus sobres et durables.
3️. Un équilibre entre les deux : un modèle hybride où l’innovation High Tech est mise au service d’une économie plus circulaire et résiliente.
Impact sur l’emploi et le marché du travail
Le modèle économique High Tech et Low Tech influence profondément l’évolution du marché du travail. D’un côté, la haute technologie automatise de nombreuses tâches, remplaçant certains emplois traditionnels tout en créant de nouveaux métiers hautement qualifiés. De l’autre, le Low Tech mise sur la relocalisation, la réparation et les savoir-faire artisanaux, favorisant un retour à l’emploi manuel et une économie plus ancrée dans les territoires.
Mais quelle approche favorise réellement l’emploi durable et inclusif ?
High Tech : Moins d’emplois traditionnels, plus d’automatisation
Le développement du High Tech bouleverse profondément le marché du travail. L’automatisation, l’intelligence artificielle et la robotisation remplacent progressivement certaines professions, notamment dans l’industrie, la logistique et les services.
Impacts économiques et sociaux
- Automatisation des tâches : de nombreuses missions répétitives sont aujourd’hui réalisées par des algorithmes ou des robots. Par exemple, les caisses automatiques dans les supermarchés remplacent progressivement les caissiers.
- Explosion des métiers du numérique : le secteur High Tech crée des opportunités, mais souvent réservées à une main-d’œuvre hautement qualifiée (développeurs, ingénieurs en IA, data analysts).
- Délocalisation vers des pays à bas coût : pour réduire leurs coûts de production, de nombreuses entreprises High Tech externalisent la fabrication de leurs produits en Asie ou en Europe de l’Est.
Exemple chiffré
Une étude du MIT indique que 47 % des emplois actuels aux États-Unis pourraient être automatisés d’ici 2035. Ce phénomène concerne des secteurs comme le transport (voitures autonomes), l’industrie (robots en usine) et même les professions intellectuelles (IA dans le juridique et la finance).
Conséquences
Réduction des emplois peu qualifiés, en particulier dans les secteurs de la production et des services.
Polarisation du marché du travail, avec une demande accrue pour des profils technologiques, tandis que d’autres travailleurs se retrouvent en situation de précarité.
Dépendance aux grandes entreprises technologiques, qui concentrent une grande partie des emplois qualifiés et dictent les tendances du marché.
Low Tech : Retour aux métiers manuels et relocalisation
Face aux défis de l’automatisation et de la mondialisation, le Low Tech mise sur une approche différente de l’emploi, en valorisant les savoir-faire artisanaux, la relocalisation et l’économie circulaire.
Impacts économiques et sociaux
- Création d’emplois dans l’artisanat et la réparation : la conception de produits durables et réparables favorise des métiers manuels et spécialisés, comme la réparation d’appareils électroniques ou la construction écologique.
- Développement des circuits courts et de l’économie locale : le Low Tech encourage une production locale et durable, réduisant ainsi la dépendance aux grandes multinationales.
- Nouveaux métiers liés à la transition écologique : des filières émergent autour de l’énergie renouvelable, du bâtiment durable et du recyclage, créant des emplois non délocalisables.
Exemple chiffré
En France, la filière du réemploi et de la réparation (vélos, électroménagers, smartphones reconditionnés) représente déjà plus de 25 000 emplois et continue de se développer avec la demande croissante pour des alternatives durables.
Conséquences
Des emplois moins exposés aux crises économiques mondiales, car basés sur une demande locale.
Une meilleure résilience face à la raréfaction des ressources, en favorisant l’économie circulaire.
Des opportunités pour des travailleurs peu qualifiés, grâce à des formations accessibles et une revalorisation des métiers manuels.
Rentabilité et investissements
Le low tech est-il viable économiquement ?
L’un des principaux défis du Low Tech est sa rentabilité face à un marché dominé par l’innovation High Tech, qui bénéficie de plus d’investissements, de subventions et d’une forte médiatisation. Pourtant, le Low Tech présente des opportunités économiques durables qui répondent aux enjeux actuels : crise des ressources, sobriété énergétique et résilience locale.
Mais le modèle économique du Low Tech peut-il rivaliser avec celui du High Tech ?
Subventions et politiques publiques :
un déséquilibre en faveur du High Tech
Aujourd’hui, les investissements publics et privés se concentrent principalement sur les technologies numériques, l’intelligence artificielle et la transition énergétique High Tech. Ces secteurs attirent les capitaux car ils promettent une forte croissance et des innovations disruptives.
Exemple chiffré
En 2021, la France a investi 1,8 milliard d’euros dans l’intelligence artificielle, contre seulement 300 millions d’euros pour l’économie circulaire. Ce déséquilibre montre que le Low Tech peine encore à s’imposer comme une alternative crédible aux yeux des investisseurs.
Pourquoi un tel écart ?
Les modèles économiques dominants favorisent les innovations rapidement monétisables.
Le Low Tech propose souvent des solutions plus locales et artisanales, qui intéressent moins les grands capitaux.
Le manque de reconnaissance politique limite encore l’essor des initiatives Low Tech.
Conclusion :
Quel avenir économique pour le Low Tech ?
Face aux défis environnementaux et économiques actuels, le Low Tech se présente comme une alternative crédible et durable à l’hégémonie du High Tech. Son modèle économique repose sur la sobriété, la réparabilité et l’économie circulaire, permettant ainsi de réduire la dépendance aux ressources rares et d’encourager des systèmes plus résilients. Pourtant, malgré ses nombreux atouts, le Low Tech peine encore à rivaliser avec le High Tech, notamment en raison d’un manque de financements et d’une reconnaissance limitée au sein des politiques publiques et des marchés financiers.
L’économie actuelle favorise l’innovation rapide et les rendements élevés, ce qui profite aux industries technologiques et aux entreprises fortement capitalisées. Le Low Tech, en revanche, repose sur des cycles de production plus longs, une relocalisation des savoir-faire et une approche plus artisanale, rendant son expansion plus difficile dans un marché dominé par la recherche du profit à court terme. Cependant, la montée en puissance des préoccupations écologiques, le besoin croissant d’indépendance énergétique et la demande accrue pour des produits durables offrent des opportunités de croissance pour le Low Tech.
Son avenir économique dépendra de plusieurs facteurs : une meilleure reconnaissance politique et institutionnelle, un soutien accru sous forme de financements et de subventions, ainsi qu’une évolution des mentalités en faveur d’une consommation plus responsable. Le Low Tech pourrait ainsi s’imposer comme un modèle économique complémentaire au High Tech, répondant aux besoins de sobriété et de durabilité de nos sociétés.
Étudiants de
l’Icam Toulouse
Construction de Tiny Houses pour les personnes sans-abri
Atécopol
(Atelier d’Écologie Politique)
Collectif de scientifiques toulousains
Unity Cube
Association toulousaine qui développe des solutions d’hébergement d’urgence modulaires et écologiques